Il me faut un trou noir, un puit assez profond pour que je puisse y jeter mes mots, ceux qui luttent trop fort pour que je les libère, ceux qui piquent, qui froissent, ces mots qui font saigner ceux qui m’aiment, ou rire ceux qui s’en moquent, ces paroles acides qui brûlent la gorge quand on les contient. Une trappe profonde, quelque chose d’infini, pour que je puisse cracher toute cette frustration, cracher que je les aime, ces gens qui me font mal, cracher que je suis fragile, oppressée par mon hypersensibilité, agressée par la cruauté de leurs actes, expliquer pourquoi parfois je suis si fermée, expliquer pourquoi je croise les bras et j’ai la gorge qui se serre, la voix chevrotante, quand mon père à l’haleine de l’alcool. Dire aussi à l’intéressé que si je parle tant de tout et n’importe quoi, c’est pour éviter de lui crier « je t’aime », pour pouvoir le garder un peu plus longtemps près de moi et le regarder s’endormir à la lueur de la lampe de chevet. Je pourrais leur avouer que tout ce que je veux moi, c’est un petit bout de verdure, avec quelques rayons de soleil, pour pouvoir m’allonger dans l’herbe et ne plus penser, en regardant la forme des nuages. Pouvoir dire à la frêle silhouette qui porte tout son monde sur les épaules que si ses calins me gênent tant c’est parce-qu’ils sont trop importants, lui dire que si je ne lui dit pas que je l’aime c’est parce-que je trouve ces mots laids dans ma bouche.